3/ Des grèves pour la paix à la fondation du KPD (janvier1918-janvier 1919)
Du 28 janvier au 3 février 1918, des centaines de milliers d’ouvriers cessent le travail, passant outre les directives des syndicats, pour exiger une paix sans annexion. Le mouvement est brisé par l’armée qui pose un ultimatum aux grévistes, procède à des arrestations et menace de faire usage des armes. Les dirigeants sociaux-démocrates, compromis avec la bourgeoisie, laissent faire.
Fin octobre 1918, une révolte lancée par les marins de Kiel se répand dans de nombreuses villes, Lubeck, Hambourg, Brême, Munich, etc. entraînant la formation de conseils de soldats et d’ouvriers. Les sociaux-démocrates majoritaires, s’ils semblent alors « courir après la révolution » placent néanmoins leurs hommes dans ces nouvelles structures, ce qui leur permettra de retourner le mouvement le moment opportun…
Le 9 novembre, le prince Max de Bade annonce l’abdication de l’empereur. Alors que d’immenses cortèges gagnent le centre de Berlin, le social-démocrate Scheidemann du Reichstag proclame la République d’une fenêtre du Reichstag tandis que Liebknecht devant la foule massée devant le château royal s’écrie : « Vive la République socialiste libre ! ». Le 10, les sociaux démocrates prennent le pouvoir, un conseil de six commissaires du peuple avec à sa tête Ebert ; celui-ci prend la direction du gouvernement révolutionnaire tout en alliant secrètement avec l’armée dans le but de préserver l’ordre bourgeois !
Les dirigeants de l’armée imputent la défaite militaire à cette situation révolutionnaire pour nier leurs responsabilités et celles de leurs commanditaires. Cette fable sur « l’armée trahie par l’arrière » explique en grande partie la dérive de la République de Weimar.
Sous la pression populaire, les patrons et les dirigeants syndicaux, de sensibilité sociale-démocrate, signent un accord le 18 novembre 1918. Ce texte codifie certaines conquêtes déjà acquises : journée de 8 heures, reconnaissance des syndicats comme partenaires légaux, etc. Mais l’essentiel est préservé, les usines restent propriété des industriels, de plus les conseils ouvriers sont ignorés.
Mais, mis à part Berlin et quelques grandes villes où les conseils ouvriers détiennent effectivement le pouvoir, la plus grande partie de l’Allemagne reste sous le contrôle des anciennes autorités. Presque aucun haut fonctionnaire ne sera licencié, aucun juge, aucun commissaire ne sera limogé.
A partir de décembre 1918, les journaux et les partis de droite redressent la tête et font campagne pour l’assemblée nationale contre les conseils ouvriers. Le 12 décembre, les premiers « corps francs » (troupes de mercenaires) sont constitués. Le Congrès des conseils ouvriers, réuni du 16 au 21 décembre, est contrôlé par les Majoritaires qui lui font reconnaître le pouvoir du Conseil du peuple et accepter l’idée d’une assemblée nationale constituante.
Le 29 décembre 1918, les trois commissaires USPD démissionnent pour ne pas cautionner l’assaut qui fit cinquante morts parmi les marins venus réclamer le paiement de leur solde. Ils sont immédiatement remplacés par 3 SPD dont un se récusera.
Du 29 décembre 1918 au 1er janvier 1919 se déroule le Congrès de fondation du Parti communiste allemand (DKP). S’il est heureux que les Spartakistes se soient enfin détachés de l’USPD pour bâtir un véritable parti révolutionnaire, cette création arrive bien tard et la décision de ne pas participer aux élections à l’Assemblée nationale, contre l’avis de Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht, ou le fait de sous-estimer l’importance de l’appareil d’Etat se paieront très cher.
4/ Après l’élection de la Commission révolutionnaire (à partir du 5 janvier 1919)
Le 5 janvier 1919, une commission révolutionnaire est élue. Elle est dirigée par Ledebour (USPD) et Liebknecht (KPD) et doit remplacer le Conseil des commissaires.
Entre le 6 janvier et la mi-janvier, des manifestations, des grèves et des combats, perdus par les insurgés, ont lieu dans plusieurs grandes villes.
Le 14 janvier, les révoltés sont vaincus à Berlin. Le 15, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés par les corps francs.
Le 16 janvier, Die Rote Fahne est interdit. Le 19, les élections à l’Assemblée nationale constituante, auxquelles le KPD ne participe pas, sont remportées par le SPD qui y détient la majorité relative.
Le mouvement révolutionnaire est écrasé dans le sang. Les intérêts de la bourgeoisie militariste et impérialistes sont préservés et le social-démocrate Ebert, ayant bien mérité du capital, est élu président de la République par l’Assemblée.
Le martyre continue en mars. Comme en janvier, les révolutionnaires, désunis, privés de chefs, longtemps sans parti sont battus séparément dans les diverses villes et les militants les plus courageux sont massacrés. On compte 55 morts dans Halle entre le 1er et le 3 mars, 1 200 révolutionnaires sont fusillés à Berlin du 12 au 15 mars.
La République des conseils de Bavière ne durera qu’un mois, avril. Ses dirigeants seront fusillés.
Le triomphe de la réaction semble alors total lorsque la Constitution de Weimar est adoptée le 11 août 1919. Mais, dans son article posthume paru dans Die Rote Fahne Karl Liebknecht « Serons-nous encore en vie quand notre but sera atteint ? Notre programme lui, vivra : il dominera le monde où vivra une humanité libérée. Malgré tout ! »
Les communistes allemands, en dépit d’une histoire tragique, ont conservé cette certitude et l’ont même fait vivre à l’échelle d’un pays, la RDA, qui fut le poste avancé du camp socialiste.
Aujourd’hui, le combat pour l’émancipation continue. Ces expériences dramatiques, ces exploits, ces réussites nous sont indispensables pour construire une société socialiste…
Illustrations :
Femmes servant à boire aux soldats d'une patrouille révolutionnaire (Histoire de l'Allemagne contemporaine, Editions sociales) ;
Monuments aux martyrs de la Révolution (Bundesarchiv).