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Un entretien avec Egon Krenz, dernier président de la R.D.A.

Egon KRENZ : "L'histoire me libérera".

Reportage de José FORT

 

Le dernier président du Conseil d’Etat de la République démocratique allemande (RDA) évoque la chute du mur, le rôle de Gorbatchev, ses relations avec Kohl, ses propres erreurs, le socialisme.

Egon Krenz vit avec sa famille près de Rostock. Notre rendez-vous a eu lieu à Berlin dans un endroit discret. Il doit prendre des précautions n’étant pas à l’abri d’une provocation. La presse de droite allemande le salit, l’insulte. Or, il n’a jamais commis le moindre crime et a tout fait pour que les événements de 1989 puissent  se dérouler sans la moindre violence. Egon Krenz est un homme chaleureux, courageux, fidèle à ses engagements. L’autre jour à Berlin, il est descendu de sa voiture. En face, dans l’immeuble en construction, trois maçons l’ont reconnu. « Egon, droit toujours », lui ont-ils lancé. Ses yeux ont brillé un instant. Et nous avons parlé…

José Fort. Vous avez été emprisonné pendant plusieurs années. Comment allez-vous ?

Egon KRENZ. J’ai la chance d’avoir une famille intacte et des amis fidèles. Les vrais, ceux qui gardent la tête haute. J’ai l’espoir que mes petits enfants réussiront ce nous avons tenté de construire. En 1989, ce n’est pas l’idée socialiste qui a été enterrée mais plutôt un certain modèle de socialisme. Je suis optimiste. Je ne crois pas que le capitalisme soit le dernier mot de l’histoire. Vous n’avez pas devant vous un personnage écroulé dans un petit coin d’Allemagne mais un homme  debout.

José Fort. D’autres se sont écroulés ?

Egon KRENZ. Oui, malheureusement. La dureté de notre défaite et le triomphe de l’anticommunisme ont eu des retombées redoutables. Certains se sont retirés. D’autres ont déserté.

José Fort. Qui par exemple ?

Egon KRENZ

(Il me regarde fixement. Son regard lumineux soudain s’assombrit. Il garde le silence)

José Fort. Des membres du Bureau politique du parti socialiste unifié  (SED), par exemple ?

Egon KRENZ. Notamment. Pour revenir à votre première question, ces années de prison ont été surtout dures pour ma famille car les attaques visaient mon honneur personnel. Je savais qu’on ne m’offrirait pas des fleurs. Pour une raison simple : dès son élaboration, la loi fondamentale de la RFA stipulait que les territoires allemands situés hors RFA devaient être récupérés, tous ceux  y exerçant une fonction responsable étant considérés comme des criminels, des malfaiteurs. Je savais cela depuis longtemps. J’étais prêt à subir la prison. Mais je refusais et refuse toujours les accusations qui ont été portées contre moi. L’histoire me libérera. Mon sort personnel importe peu. En revanche, le calvaire vécu par de nombreux citoyens de la RDA relève de l’inadmissible.  Je pense à tous ceux qui ont perdu leur travail alors qu’il n’y avait pas de chômage en RDA. Je pense aux intellectuels de la RDA décapités. Je pense à tous ceux qui ont été marginalisés. Un exemple parmi tant d’autres, celui de l’hôpital de la Charité à Berlin : la plupart des médecins, des spécialistes reconnus mondialement, ont été licenciés. La division de l’Allemagne n’était pas chose naturelle. Elle était contraire à notre histoire. Mais avez-vous remarqué que les dirigeants de la RFA ont tout mis en œuvre pour éviter la prison aux nazis. Moi, j’ai scrupuleusement respecté les lois de la RDA. Je n’ai commis aucun crime.

José Fort. Comment  avez-vous  vécu les derniers jours de la RDA ?

Egon KRENZ. Je ne suis pas de la génération de ceux qui venaient des camps de concentration, de la guerre, de la Résistance, de Moscou.  Au bureau politique du SED, j’étais le plus jeune. Je suis un enfant de la RDA. Tous les autres avaient survécu au nazisme. J’ai exercé de nombreuses fonctions : de représentant des élèves dans mon collège jusqu’à la présidence du Conseil d’Etat. Avec la disparition de la RDA, c’est une bonne partie de ma vie que j’ai enterrée.

José Fort. Aviez-vous passé des accords avec le chancelier Kohl ?

Egon KRENZ. Oui. Nous avions décidé, en accord avec le chancelier, d’ouvrir plusieurs points de passage. La date avait été fixée au 10 novembre 1989. Or, la veille, un membre du bureau politique, Schabowski, a annoncé publiquement non pas l’ouverture de passages mais la destruction du mur. Nous nous étions mis d’accord avec Kohl pour l’ouverture en douceur des frontières. Il ne s’agissait pas à ce moment là de la fin de la RDA, de la fin du pacte de Varsovie et de Berlin comme territoire au statut particulier. Il s’agissait d’ouvrir les frontières.

José Fort. Avez-vous pensé, un moment, faire utilisation de la force ?

Egon KRENZ. Je peux jurer que nous n’avons jamais envisagé une telle décision. Je savais qu’un seul mort aurait eu des conséquences tragiques. L’utilisation de la force, et nous en avions les moyens, aurait conduit à la catastrophe. Nous avons refusé de tirer sur le peuple.

José Fort. Dans un de vos ouvrages vous vous élevez contre la réécriture de l’histoire.

Egon KRENZ. Tant de choses ont été écrites… Il faut en revenir à l’essentiel : sans Hitler, le nazisme,  la Seconde guerre mondiale et la réforme monétaire de 1948, l’histoire de l’Allemagne aurait pu s’écrire autrement. Le malheur du peuple allemand, c’est le fascisme.

José Fort. Pensez-vous à vos propres responsabilités ?

(Il observe un instant de silence puis s’approche de la table. Visiblement, il est ému)

Egon KRENZ. J’y pense constamment.  Je pense au fossé entre la direction et la base, au déficit de confiance entre le parti et la population. Le manque de démocratie, de débat, la différence entre la réalité et la propagande. Les plus anciens refusaient le débat direct. Une terrible erreur. Il fallait combattre l’adversaire  sur le plan des idées. Il fallait accepter la confrontation idéologique. Nous ne l’avons pas fait. Nous rencontrions de gros problèmes économiques et faisions comme si tout allait bien. Pour les citoyens de la RDA, les acquis sociaux étaient chose normale. Il fallait dire la vérité, montrer les difficultés, parler franchement. Nous n’avons pas su ou pas voulu ouvrir la société.

José Fort. Vous n’évoquez pas l’environnement international, la guerre froide, le rôle de l’Union soviétique et de Gortbachev.

Egon KRENZ. J’y viens. Je l’avoue, j’ai été naïf. J’avais une grande confiance en Gorbatchev, une grande confiance dans la perestroïka comme tentative de renouvellement du socialisme. J’ai rencontré Gorbatchev le 1er novembre 1989 à Moscou. Quatre heures d’entretien. Je lui ai dit : « Que comptez vous faire de votre enfant » ? Il me regarde étonné et me répond : « Votre enfant ? Qu’entendez-vous par là »? J’ai poursuivi : « Que comptez-vous faire de la RDA ? » Il m’a dit : «Egon, l’unification n’est pas à l’ordre du jour ». Et il a ajouté : « Tu dois te méfier de Kohl ». Au même moment, Gorbatchev envoyait plusieurs émissaires à Bonn. Gorbatchev a joué un double jeu. Il nous a poignardés dans le dos.

José Fort. Egon Krenz, le Gorbatchev allemand, disait-on à l’époque.

Egon KRENZ. En 1989, je l’aurais  accepté comme un compliment car l’interprétant comme reconnaissant mon action visant à améliorer, à moderniser, à démocratiser le socialisme. Pas à l’abattre. Aujourd’hui, si certains me collaient cette étiquette j’aurais honte.

José Fort.  Vos relations avec Helmut Kohl ?

Egon KRENZ. Le premier entretien date des obsèques de Konstantin Tchernenko (1) à Moscou. J’accompagnais Erich Honecker et Kohl avait demandé à nous rencontrer. Les Soviétiques étaient opposés à cette rencontre et me l’ont fait savoir avec insistance. Erich Honecker s’est aligné. Mais comme le rendez-vous était déjà pris à notre résidence, Erich m’a dit en consultant sa montre : « Dis à Kohl que nous ne pouvons pas à l’heure indiquée. Tu prétexteras un entretien avec Gorbatchev à la même heure. Or, Erich Honecker n’avait pas mis sa montre à l’heure de Moscou. Nous avons vu arriver Kohl. Il s’est installé et nous a dit : « Enfin, une rencontre en famille ». Nous avons longuement parlé puis nous avons rédigé un court texte mettant  l’accent sur le respect des frontières. Mon dernier contact a eu lieu le 11 novembre 1989. Kohl m’a téléphoné, a évoqué l’ouverture pacifique des frontières et m’a remercié.

José Fort.  Vingt après la fin de la RDA, le socialisme selon vous est-il mort ?

Egon KRENZ. L’idée  socialiste, les valeurs socialistes vivent et vivront. Je reste persuadé que l’avenir sera le socialisme ou la barbarie. Le système ancien est définitivement mort. Je considère que j’ai failli. A d’autres de construire le socialisme moderne et démocratique. Un nouveau socialisme.

Entretien réalisé par José Fort

 

Chef d’Etat soviétique décédé le 10 mars 1985

 

Source : http://www.lesgaribaldiens.com/

 


 

Quand les jeunes passaient leurs vacances en Allemagne de l'Est (Commune de Gauchy)

Image d'une autre époque lorsque des Gasiaquois, visitant le camp de concentration nazi de Buchenwald, posaient avec des soldats russes en 1985.

Il fut une époque où l'Allemagne était un pays divisé en deux. Vingt ans après la chute du mur de Berlin, des Gasiaquois se souviennent de leur voyage en RDA.

Tout est parti d'une cure. « Au début des années soixante, l'ancien maire, Georges Herbin, s'était rendu pour une cure au sanatorium de Berga, en Allemagne de l'Est, se souvient Thérèse Dufour, ancienne conseillère municipale et responsable des échanges avec Berga jusqu'en 1989. Il avait sympathisé avec les représentants locaux. Alors Gauchy s'est jumelée avec ce village de 2 000 habitants en 1965. »

Dès lors, pendant plus de trente ans, une vingtaine d'adolescents gasiaquois se rendaient tous les étés pour les vacances en RDA, membre du bloc communiste. Parmi ces jeunes, Thérèse Boucly.

Deux années de suite, en 1971 et 1972, l'adolescente de 14 ans est partie pour rendre visite à ses correspondants est-allemands. Un voyage qui s'effectuait en locomotive électrique jusqu'à la frontière entre les deux Allemagne d'alors, la RFA et la RDA, puis en locomotive à vapeur. « Je garde de ces rencontres un souvenir magnifique, raconte Thérèse Boucly. Mais il est également vrai que dans les vitrines des magasins, et même dans les grandes surfaces, ils n'y avaient pas beaucoup de produits à vendre. Et puis l'expression « nid-de-poule sur les routes » avait là-bas véritablement un sens. »

Mais si les Gasiaquois pouvaient entrer assez facilement à l'Est, l'inverse n'était pas aussi simple. « Des autorisations spéciales étaient nécessaires, les démarches étaient compliquées, se remémore Thérèse Dufour. La première fois que des officiels sont venus à Gauchy ça devait être à la fin des années soixante-dix, plus de dix ans après nos premiers échanges. »

Malgré ces difficultés et « le fossé qui séparait les deux communes », des amitiés sont nées, des idylles aussi. Ainsi, Jacky, le fils de l'ancienne élue, n'a pas hésité en 1976 à se marier avec une Allemande de l'Est et à s'installer depuis dans la patrie de son épouse.

Mais au soir du 9 novembre 1989, le symbole de cette Allemagne divisée a fini par s'écrouler. Vingt ans après, les sentiments sont mitigés concernant cet événement qui provoqua la chute de l'URSS en 1991.

« Je ne regrette pas que le mur soit tombé. Mais vous savez, aujourd'hui, de nombreux Allemands de l'Est regrettent cette époque, il y a de la nostalgie, affirme Thérèse Dufour. Ce qu'ils voulaient, c'était plus de liberté d'expression et de mouvement. Désormais, ils ont surtout moins d'avantages sociaux et connaissent le chômage. »

Tous leurs souvenirs, leurs photographies, leurs objets, nos deux Thérèse, comme de nombreux Gasiaquois, les gardent précieusement comme le passage d'un système qui a disparu. D'ailleurs, depuis la réunification, les adolescents de Berga viennent à leur tour tous les ans à Gauchy.

 

Auteur : Damien LE-THANH - Article paru le : 11 novembre 2009

Source : http://www.aisnenouvelle.fr/index.php/cms/13/article/380584/Quand_les_jeunes_passaient_leurs_vacances_en_Allemagne_de_l_Est#


 

Mythe du mur de Berlin et vrai mur de la Honte en Palestine


Lundi 9 novembre 2009

« Tout ce que les communistes vous ont dit du communisme était faux, mais tout ce qu’ils vous ont dit du capitalisme était vrai. »

Proverbe russe

 « Ich bin ein Berliner », « Je suis un Berlinois » s’exclamait J.F. Kennedy venu soutenir les Berlinois au plus fort du blocus: résonne encore dans nos oreilles de naïfs bercés par la doxa occidentale au point que l’on croyait tout ce qu’on nous disait -le « on » symbolisant les médias occidentaux. Nous avons comme pour le cinéma hollywoodien vibré et communié avec ceux que l’on nous présentait comme faible avec naturellement le « Zorro » redresseur de torts qui fait qu’on applaudissait à la fin des films. Je veux dans cette contribution « déconstruire » le mythe du mur de Berlin et parler d’un vrai mur, celui de la honte, celui de la force injuste contre le peuple opprimé de Palestine.

Pourquoi le mur a été construit ? William Blum nous explique pourquoi le mur a été construit: (...) Pour commencer, rappelons qu’avant que le mur soit construit, des milliers d’Allemands de l’Est faisaient quotidiennement la navette entre Berlin Est et Berlin Ouest pour leur travail, c.-à-d. rentraient chez eux tous les soirs. Ils n’étaient donc aucunement retenus à l’Est contre leur volonté. Le mur a été construit principalement pour deux raisons: 1. L’Ouest était en train de harceler l’Est par une forte campagne de recrutement de professionnels et d’ouvriers hautement qualifiés, qui avaient été éduqués aux frais du gouvernement communiste. Cela finit par provoquer à l’Est une sérieuse crise de la production et de la main-d’œuvre. À titre indicatif, le New York Times notait, en 1963: « L’érection du mur a fait perdre à Berlin Ouest à peu près 60.000 ouvriers très qualifiés, qui se rendaient chaque jour de leurs domiciles de Berlin Est à leur lieu de travail de Berlin Ouest ». New York Times, 27 juin 1963, p.12 2.

Pendant les années 50, les « guerriers froids » américains de Berlin Ouest ont déclenché une brutale campagne de sabotages et de subversion contre l’Allemagne de l’Est, dont le but était de détraquer sa machine économique et administrative. La CIA et d’autres services militaires d’espionnage US ont recruté, équipé, entraîné et financé des activistes, individuellement ou par groupes, tant à l’Est qu’à l’Ouest, pour exécuter des actions qui, couvrant tout le spectre des possibilités, allèrent du terrorisme à la délinquance juvénile: n’importe quoi qui pût rendre la vie difficile aux citoyens d’Allemagne de l’Est, et affaiblir le soutien qu’ils apportaient à leur gouvernement, n’importe quoi qui pût donner des cocos une mauvaise image. (...)(1) Petit retour en arrière: Egon Krenz dernier président du Conseil d’État de la République démocratique allemande (RDA) évoque la chute du mur, le rôle de Gorbatchev, ses relations avec Kohl, ses propres erreurs, le socialisme. L’histoire me libérera.(...) Mon sort personnel importe peu. En revanche, le calvaire vécu par de nombreux citoyens de la RDA relève de l’inadmissible. Je pense à tous ceux qui ont perdu leur travail alors qu’il n’y avait pas de chômage en RDA. Je pense à tous ceux qui ont été marginalisés. Mais avez-vous remarqué que les dirigeants de la RFA ont tout mis en œuvre pour éviter la prison aux nazis ? (...) Au bureau politique du SED, j’étais le plus jeune. Avec la disparition de la RDA, c’est une bonne partie de ma vie que j’ai enterrée. Avec le chancelier Kohl, nous avions décidé d’ouvrir plusieurs points de passage. La date avait été fixée par mon gouvernement au 10 novembre 1989. Or, la veille, un membre du bureau politique, Schabowski, a annoncé publiquement, non pas l’ouverture de passages, mais la «destruction du mur». J’avais une grande confiance en Gorbatchev, une grande confiance dans la perestroïka comme tentative de renouvellement du socialisme. J’ai rencontré Gorbatchev, le 1er novembre 1989, à Moscou. Quatre heures d’entretien. Je lui ai dit: « Que comptez-vous faire de votre enfant ? » II me regarde étonné et me répond: « Votre enfant ? Qu’entendez-vous par là ? » J’ai poursuivi: « Que comptez-vous faire de la RDA ? » II m’a dit: « Egon, l’unification n’est pas à l’ordre du jour. » Et il a ajouté: « Tu dois te méfier de Kohl. » Au même moment, Gorbatchev envoyait plusieurs émissaires à Bonn. Gorbatchev a joué un double jeu. Il nous a poignardés dans le dos. Egon Krenz, le « Gorbatchev allemand », disait-on à l’époque. En 1989, je l’aurais accepté comme un compliment car l’interprétant comme reconnaissant mon action visant à améliorer, à moderniser, à démocratiser le socialisme. Pas à l’abattre. Aujourd’hui, si certains me collaient cette étiquette, j’aurais honte. (...) L’idée socialiste, les valeurs socialistes vivent et vivront. Je reste persuadé que l’avenir sera le socialisme ou la barbarie. Le système ancien est définitivement mort. Je considère que j’ai failli. À d’autres de construire le socialisme moderne et démocratique. Un nouveau socialisme. (2)

Une autre version moins édulcorée lui attribue un rôle trouble. C’est Egon Krenz avec trois autres membres qui poussa Erich Honecker vers la sortie avec la bénédiction de Gorbatchev. Nous lisons: (...) Quant à la direction soviétique livrée au courant liquidateur de Gorbatchev et des traîtres qui l’entourent, elle encourage et favorise le mouvement. Le chef de l’Etat et du Parti communiste soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, engagé lui-même dans le même processus liquidateur, leur a déjà souhaité «bonne chance», rapporte Harry Tisch, un des comploteurs, alors chef de la « Fédération libre des syndicats de RDA », parti à Moscou chercher du soutien. Le 17 octobre, la succession de Honecker est mise à l’ordre du jour de la réunion du bureau politique. Lors du tour de table, Honecker ne trouve pas de soutien, même chez ceux en qui il avait confiance. La trahison est complète et définitive. Egon Krenz est élu à la succession de Honecker le 18 octobre. Il ne parviendra pas à rester au pouvoir. Comme leur modèle Gorbatchev, les opportunistes ont ouvert la voie du malheur pour leur peuple. Quelques semaines après les premiers « Mc Do » ouvrent à Moscou. Quant à Erich Honecker, il est mort en mai 1994 il avait été emprisonné par le régime libéral de RFA. Réfugié à Moscou, il avait été livré par Eltsine.

La France a essayé d’empêcher la réunification. François Mitterrand a-t-il raté la réunification allemande ? s’interroge Pierre Haski. La polémique, d’abord historique mais pas seulement, a repris depuis la publication, à Londres, de documents déclassifiés par le Foreign Office, et en particulier des notes d’entretiens entre le président français et Margaret Thatcher, alors Premier ministre. Ce soupçon de loupé diplomatique majeur pèse sur François Mitterrand depuis des années. Pourtant, pour avoir suivi comme correspondant diplomatique de Libération à l’époque, toutes les étapes de cette page d’histoire, j’ai ressenti comme beaucoup d’autres l’immense flottement, le sentiment d’un homme qui était à contre-courant de l’histoire sans pour autant commettre de faute irréparable. On n’est pourtant pas passé loin si l’on en croit les documents britanniques, et en particulier cette conversation, début décembre, entre Mitterrand et Thatcher, dans laquelle ils font surenchère de références à la Seconde Guerre mondiale, et se renforcent mutuellement dans leur soupçon vis-à-vis du géant allemand qui renaît. Mitterrand redoute de voir Français et Britanniques se retrouver « dans la situation de leurs prédécesseurs dans les années 30, qui n’avaient pas su réagir » au désir d’hégémonie allemande. Et Maggie Thatcher sort de son célèbre sac à main une carte d’Europe découpée dans un journal d’avant-guerre...(3)

Dans ses mémoires récentes, Kohl a écrit avoir été très déçu par Mitterrand, qui en aparté se serait révélé très hostile à la réunification. Ce qui a le plus agacé Kohl, c’est que Mitterrand lui parle avec insistance de la ligne Oder Neisse, comme si on était avant guerre. Il en a été vexé dit-il, et n’a pas pardonné. La réunification a été le grand moment du chancelier Kohl, son heure de gloire et son titre incontestable pour la postérité. On est donc loin du main dans la main de la fameuse photo que, visiblement, Kohl a voulu gommer dans ses mémoires.

La suite est tristement connue. Ce sera la «réunification officielle», en fait une opération de colonisation de l’Est par l’Ouest, où l’ex-RDA sera livrée au capitalisme sauvage et au chômage. L’exemple de Leipzig, capitale industrielle de la RDA, qui rivalisait techniquement avec l’Occident dans les années 60-80, est significatif. « Leipzig ville fantôme » le Courrier International (Paris) «La municipalité incite les propriétaires à faire démolir leurs immeubles, car ils ne les loueront plus jamais», résume Der Spiegel. « Ensuite, ils sont invités à faire don des terrains à la ville. Quant à ceux qui refusent, ils finiront par vendre leur bien, devenu inexploitable, à très bas prix, estiment les urbanistes ». (…)

On aurait pensé alors, propagande aidant, que la libération était synonyme de bonheur. Il n’en fut rien. En 1999, USA Today écrivait « Quand le Mur de Berlin est tombé, les Allemands de l’Est se sont imaginé une vie de liberté et d’abondance, où les difficultés auraient disparu. Dix ans plus tard, un remarquable 51% aux élections a fait savoir qu’ils étaient plus heureux sous le communisme ». USA Today, 11 octobre 1999, p.1. Vingt ans plus tard, le capitalisme a pu envahir le monde, se propager à toute allure, matérialisé par des Mc Do, des parcs d’attractions, des jeans et des chewing-gums. Mais qu’ont-ils véritablement gagné ? Pourquoi ne pas aussi parler d’une absence de chômage, d’une société sans SDF où chacun pouvait trouver sa place, ce que regrettent grandement aujourd’hui les populations d’Europe de l’Est. Sans compter que la pauvreté de la RDA s’explique par le fait qu’elle a dû supporter seule les dommages de guerre dues par l’Allemagne à l’URSS, la RFA étant exonérée et bénéficiant au contraire d’un généreux plan Marshall...Les Allemands de l’Est en sont à redécouvrir l’Ost-algie d’avant...

Pourquoi ne pas parler du vrai mur de la honte de plusieurs kilomètres qui défigure la Jordanie, obligeant chaque matin des milliers de Palestiniens à faire d’énormes détours pour aller travailler chez les colons israéliens, ou pour rentrer le soir ne sachant pas s’ils peuvent ou non passer selon le bon vouloir et les humiliations au quotidien de la part des soldats. Il est vrai que la Cour internationale de Justice a déclaré illégal ce mur et a demandé son démantèlement. Peine perdue. Le mur continue d’être peaufiné: les Palestiniens seront « comme des cafards dans un bocal » pour reprendre l’expression appropriée d’un général israélien... Le vrai mur de la honte Marquant le 20e anniversaire depuis la chute du mur de Berlin, les Palestiniens ont démoli ce vendredi dans le village cisjordanien de Ni’lin, un pan de mur [d’Apartheid] construit par Israël. Lors de la manifestation hebdomadaire contre le mur, qui traverse le centre du village situé dans la région de Ramallah et isole les habitants de 60% de leurs terres agricoles, quelque 300 manifestants ont méthodiquement démantelé une section en béton avant que les forces israéliennes n’ouvrent le feu. Ils ont brûlé des pneus et abattu une dalle de béton de huit mètres de haut en s’aidant d’un vérin mécanique pour voiture. « Il y a vingt ans, personne n’imaginait que la monstruosité d’un Berlin divisé en deux pourrait jamais être abattue, mais il n’a fallu que deux jours pour le faire », a déclaré Muhib Hawaja, un des manifestants, au journal israélien Yedioth Aharonot. « Aujourd’hui, nous avons prouvé que nous aussi pouvions l’imposer, ici et maintenant. Ce sont nos terres au-delà de ce mur, et nous n’avons pas l’intention d’accepter son existence. Nous triompherons car la justice est de notre côté. »(4)

Pour rappel. Commencé en juin 2002, le Mur de séparation devrait faire plus de 703 kilomètres de long, soit deux fois la longueur des frontières de 1967 avec la Cisjordanie et quatre fois plus long que le Mur de Berlin. Le Mur atteint à certains endroits 8 mètres de hauteur, plus de deux fois celle du Mur de Berlin. A d’autres endroits, le Mur est constitué d’une barrière métallique électrifiée entourée de tranchées de patrouilles, des fils barbelés et des détecteurs de mouvements. (Comme la ligne Morice en Algérie Ndlr). Le Mur s’enfonce profondément en Cisjordanie, divisant des villes, des villages et leurs périphéries, séparant les familles. Le Mur empêche les paysans palestiniens d’accéder à leurs terres; les étudiants de se rendre à leurs écoles; les malades, les personnes âgées et les femmes enceintes d’accéder aux soins de santé de base. Pourtant, l’Avis consultatif de la CIJ édicté le 9 juillet 2004, est on ne peut plus clair: « L’édification du Mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire en territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au Droit International » (paragraphe 163): « Israël est dans l’obligation de mettre un terme aux violations du Droit international dont il est l’auteur; il est tenu de cesser immédiatement les travaux d’édification du mur qu’il est en train de construire dans le Territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est, de démanteler immédiatement l’ouvrage situé dans ce territoire; Israël est dans l’obligation de réparer tous les dommages causés par la construction du Mur dans le Territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et autour de Jérusalem-Est. » «Cette construction, s’ajoutant aux mesures prises antérieurement, dresse ainsi un obstacle grave à l’exercice par le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination et viole de ce fait l’obligation incombant à Israël de respecter ce droit.» (paragraphe 121) (5).

Tout est dit: nous attendons la justice des hommes. 

1.William Blum: Le Mur de Berlin, un mythe de la guerre http://www.legrandsoir.info/Gueriss...

2.Egon Krenz: «L’avenir sera le socialisme ou la barbarie» José Fort L’Humanité 6 11 2009

3.Pierre Haski Quand Mitterrand tentait de ralentir la réunification allemande. Rue89 15/09/2009

4. 20 ans après la chute du mur de Berlin, les Palestiniens abattent un pan du Mur d’Apartheid. 7 novembre 2009 sur le site info-palestine.net Ma’an News Agency

5.http://www.oxfamsol.be/fr/Mur-de-separation-en-Palestine-l.html 10.11.2006

Pr Chems Eddine CHITOUR

Bienvenue à Berlin

A l’est du mur, la vie rêvée des “Ossis”

A deux semaines du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, les témoignages des acteurs de cette époque -politiques ou anonymes- s’affichent dans la presse allemande. Vu de l’ouest, les réjouissances et les cérémonies officielles prendront le pas sur les souvenirs de l’ex-RDA. Que reste-t’il de ce pays aujourd’hui disparu, objet d’une OPA amicale de la République Fédérale d’Allemagne ? C’est une question majeure pour l’identité de cette nation reconstituée. Eléments de réponse, à travers des témoignages dont certains figurent dans mon livre “l’Allemagne au pied du mur” (éditions de la table Ronde, avec Radio France, 400 pages) qui arrive cette semaine en librairie.

Rolf et Christine habitent une cité HLM de l’est de Leipzig. Avant d’arriver chez eux, en venant du centre-ville, on passe en voiture devant d’anciens bureaux désaffectés de la Deutsche Post et le long d’un immense bâtiment industriel grisâtre et abandonné. Les deux immeubles sont à vendre. Au carrefour suivant, une station service et un restaurant flambant neufs confirment que la réunification a aussi apporté des emplois. « Il y avait de l’idéalisme quand nous étions jeunes» dit Christine, soixante-deux ans, qui a longtemps travaillé dans l’édition. Après la chute du mur, elle est employée comme comptable, puis connaît des périodes de chômage. En 2007 Christine est à nouveau sans emploi et comprend qu’elle n’en retrouvera plus. Depuis l’été 2009, elle est à la retraite. « Ma vie ? » Christine soupire. « Je suis à la maison, je reste ici. On pouvait vivre en RDA comme on vit aujourd’hui en République Fédérale si on a de l’argent, c’est toujours facile. Mais maintenant il y a beaucoup de gens qui n’en ont pas tellement. En RDA, personne n’était très pauvre ou très riche. C’était presque pareil pour tout le monde, alors qu’aujourd’hui la différence est très importante. Ca me choque un peu parce que je pensais que vingt ans après la chute du mur, ce serait mieux pour tous. J’espérais aussi que la RFA aurait appris quelque chose de notre vie, qu’elle aurait tiré profit de notre expérience pour la vie actuelle. Je suis un peu déçue. En RDA, on a fait beaucoup d’erreurs. L’idée du socialisme était bonne, mais en pratique c’était un peu compliqué, naturellement. Aujourd’hui ce que l’on a appris pendant la RDA, ce que Marx a écrit dans Le Capital se réalise, c’est-à-dire que seul l’argent compte, et ce n’est pas bon. »

A l’entendre, on a le sentiment que Christine retient surtout les bons côtés de la République Démocratique Allemande. « En RDA, il y avait beaucoup d’avantages, surtout si l’on avait des enfants. On avait des places dans les crèches, dans les jardins d’enfants. Les femmes pouvaient travailler comme elles voulaient, alors qu’aujourd’hui avec des enfants petits c’est très compliqué pour  les jeunes femmes, il y a des villes où elles sont obligées de rester chez elles. Les livres étaient moins chers que maintenant, les vêtements pour les enfants étaient aussi meilleur marché. On avait des places pour les vacances qui coûtaient par personne 25 Marks de l’est. Il y avait aussi la sécurité sur le plan social, naturellement. » Christine et son mari se considèrent à la fois comme citoyens de RDA, de la République Fédérale d’Allemagne et par-dessus tout citoyens de l’Union Européenne. Rolf qui a le même âge que sa femme travaille toujours. Mathématicien de formation, il enseigne à la section informatique de l’université de Leipzig. Lorsqu’on l’interroge sur les avantages et les inconvénients de l’ancienne époque, il parle d’abord de la sécurité de l’emploi. Même si Rolf n’a pas été lui-même chômeur, puisqu’il a eu la chance de conserver son poste après la chute du mur. « Aujourd’hui chacun travaille pour soi, il n’y a plus d’échanges » regrette Rolf. « Je gagnais relativement bien ma vie, c’était sans aucun doute modeste par rapport au salaire que je reçois maintenant, bien que tout soit beaucoup plus cher. Aujourd’hui on peut quand même économiser un peu pour des voyages plus onéreux et on n’a pas l’impression de manquer. Notre niveau de vie a certainement progressé mais pas de façon disproportionnée par rapport à ce qu’il était ». Ce qui ne lui plaisait pas sous la RDA ? « Nous ne pouvions bien sûr voyager qu’en direction de l’est. L’ouest de l’Allemagne et de l’Europe nous était fermé. »

Et puis pour les Allemands de l’est qui ont connu la RDA, reste ce sentiment confus d’être un peu livré à soi-même. « Il faut tout solliciter » explique Rolf . « Autrefois c’était plus simple. Désormais, Il faut connaître ses droits, se tenir au courant des nouvelles lois et c’est compliqué au moins pour une partie de la population ». Il rit. « Je me souviens de la chef de ma femme, un médecin, qui aurait dû demander à bénéficier de sa retraite. Elle a finalement perdu trois ans. Elle était toujours dans la mentalité de la RDA et pensait que la retraite lui parviendrait automatiquement. Une telle chose ne serait pas arrivée autrefois. On lui aurait au moins envoyé les formulaires ». Cette question semble tarabuster Rolf. « Aujourd’hui encore, il y a les retraites de l’est et celles de l’ouest. Et les points de retraite de l’est sont de quinze pour cent inférieurs à ceux de l’ouest. Presque vingt ans après la réunification, c’est aberrant. On n’aurait jamais imaginé en 1989 ou 1990 que cela durerait aussi longtemps ». Et surtout Rolf ne pense pas être traité sur un pied d’égalité avec les citoyens de l’ouest. Les questions plus politiques suscitent souvent de ce côté de l’Allemagne une certaine réserve. Deux décennies après la chute du mur, cette retenue en dit long sur le choc culturel encaissé par les ex-citoyens de RDA. Comme sa femme, Rolf se refuse à employer le mot « Ostalgie », cette nostalgie de l’est qui perdure dans les nouveaux Etats régionaux. Rolf préfère dire qu’ils ont vécu une expérience de vie différente de celle des Allemands de l’ouest, qui ne connaissent qu’un seul système. « Nous, comme dix-sept millions de personnes de l’ancienne RDA, nous pouvons comparer les deux et avoir une opinion différente. J’ai grandi ici et j’ai longtemps trouvé normal ce que nous vivions. Dans les années quatre-vingt, les erreurs économiques et politiques sont apparues plus clairement, une grande insatisfaction s’est manifestée, chez moi comme dans une grande partie de la population, avec ce mouvement d’opposition qui s’est levé et qui n’était pas d’abord pour la réunification, mais pour une meilleure RDA ». Rolf admet aussi que ce sujet reste difficile à aborder, malgré les années.
 

Source : http://radiofrance-blogs.com/bertrand-gallicher/2009/10/26/a-lest-du-mur-la-vie-revee-des-ossis/


 

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