(…) « La fin du pouvoir du SED a précipité la dévalorisation des règles de comportement et de valeurs, des modèles de coopération et de contestation qui étaient des repères pour le simple citoyen. Celui-ci a été plongé dans le désarroi. » (…)
« La nouvelle identité, qui doit remplacer celle de l'homme socialiste, est fondée sur « l'économie sociale de marché » où le travailleur salarié touche une des rémunérations les plus élevées du monde –son coût est de 37,88 DM l'heure, supérieur de 1,14 DM à celui de la main-d’œuvre helvétique. Or, pendant une période de transition, le nouveau citoyen de la RFA reçoit à titre officiel (au 1er juillet 1991) un salaire équivalant seulement à 60% de celui d'un Allemand de l'Ouest exerçant les mêmes fonctions. 60 % du salaire : 60 % d'appartenance à la communauté ouest-allemande ? Beaucoup de ceux qui ont la chance d'avoir un travail dans cette période de chômage galopant constatent avec amertume que ce chiffre lui-même est faussé: s'ils se trouvent parmi les salariés des entreprises déjà passées sous la tutelle d'un patron de l'Ouest, ils doivent souvent se contenter d'être intégrés à un niveau de qualification inférieur à celui qu'ils avaient avant l'unification, sous prétexte qu'ils ont été surévalués par les représentants d'un régime qualifié de mensonger. Qui plus est, les années d'ancienneté ne sont pas comptabilisées intégralement. Il n'est pas rare, par exemple, que deux années de travail en ex-RDA soient tenues pour l'équivalent d'une année en RFA (ou même moins). En conséquence, les travailleurs se retrouvent à un niveau salarial à peine suffisant pour couvrir les dépenses de plus en plus lourdes de la vie quotidienne. » (…)
« Et il doit désormais payer au prix fort des avantages sociaux autrefois subventionnés par son entreprise : celle-ci liquide, souvent à des prix dérisoires, foyers et maisons de vacances, afin de repousser l'échéance de la faillite. Les ouvriers de l'aciérie de Freital près de Dresde – qui emploie encore 4 000 personnes contre 60 000 auparavant – regrettent leur ancienne cantine bon marché, qui offrait en plus une sociabilité devenue rare. Dans cette usine au destin encore incertain, la Treuhand, son gérant a commencé à habituer les membres du personnel aux méthodes de l'économie de marché. Ainsi les a-t-on avertis qu'il est contraire au droit ouest-allemand, sous peine de licenciement, de se communiquer entre collègues des données précises concernant le niveau de salaire. Alors que l'ensemble du personnel a automatiquement adhéré au syndicat ouest-allemand I.G. Metall, les nouveaux délégués restent muets quant aux revendications salariales et aux informations juridiques – qui font ici gravement défaut.
L'établissement des contrats de travail illustre les difficultés des Allemands de l'Est à assimiler le modèle ouest-allemand. Sous le régime du parti SED, la parole donnée avait, en matière d'emploi, une valeur contraignante. Aujourd'hui, les firmes ouest-allemandes qui engagent les salariés de l'ex-RDA, exploitant en fait leur bonne foi, se montrent réticentes à fournir des contrats écrits, même dans le cas du personnel des entreprises rachetées par l'intermédiaire de la Treuhand. En novembre 1990, la chaîne de supermarchés Penny's a pu engager des dizaines d'employés sans aucun contrat, leur faisant espérer un emploi stable, pour ensuite les congédier sans façon, aussitôt passées les fêtes de fin d’année » (…)
Sans commentaire…
Extraits de l’excellent article de Margaret Mariale intitulé « La RDA existe-t-elle encore ? » paru dans la revue Etudes de novembre 1991.
Texte intégral sur : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k442085z.r=margaret+manale.langFR.
Source de la photo : http://kommunisten-online.de/Archive/BetrGwer/ford.h1.jpg