A la Libération, les dirigeants de l’Allemagne orientale rencontrent d’énormes difficultés pour reconstruire l’Ecole.
C’est en effet la jeunesse qui a subi le plus fortement l’influence du fascisme. Elle est imprégnée d’idées racistes et chauvines. C’est pour cela qu’à cette époque de nombreux jeunes ont une attitude de refus ou de méfiance. Le chaos régnant à la fin de la guerre et les conditions de vie difficiles favorisent la délinquance juvénile.
La destruction des locaux à usage scolaire est importante (un quart des établissements scolaires sont gravement endommagés). Des bâtiments scolaires sont réquisitionnés pour servir d’hôpitaux, de camps de réfugiés, d’entrepôts, etc.
Il n’y a pas assez d’enseignants. Les dirigeants nazis dénigraient le savoir et ont laissé baisser le nombre des enseignants et le niveau de ces derniers. De nombreux jeunes ont été incorporés et ont été tués.
En juillet 1945, dans la zone d’occupation soviétique, des administrations locales sont constituées et mettent à la tête de leur service scolaire des antifascistes sûrs –ou supposés tels-.
Rompant avec la tradition fédérale de l’Allemagne bourgeoise, l’enseignement est centralisé. En conséquence, on crée l’Administration centrale allemande de l’instruction publique dans la zone d’occupation soviétique. Elle deviendra par la suite l’Administration allemande de l’instruction publique.
Les dirigeants de l’Allemagne de l’Est vont s’appuyer sur les Accords de Postdam signés par les Alliés qui stipulent notamment que « L’éducation allemande sera contrôlée de manière à éliminer complètement les doctrines nazies et militaristes et à permettre l’heureux développement des idées démocratiques. »
Le 25 août 1945, l’administration militaire soviétique, se basant sur cette recommandation des Accords de Postdam, publie l’ordre n° 40. Dans celui-ci, l’ordre est donné de liquider l’influence fasciste à l’Ecole, la rentrée des classes est fixée au 1er octobre 1945.
En dépit des conditions très défavorables, cette date sera respectée. Cette réussite est rendue possible par l’aide et la « tutelle » soviétique et par l’appui de nombreux citoyens conscients de l’enjeu. 10 822 écoles d’enseignement général sont ouvertes contre 11 729 en 1939 sur le même territoire.
Pour tourner définitivement la page du fascisme, près de 20 000 enseignants sont licenciés. Il manque plusieurs dizaines de milliers d’enseignants alors que le nombre d’élève croît du fait de l’arrivée des réfugiés de l’Est. Il manque alors plusieurs dizaines de milliers d’enseignants. Les administrations chargées de l’enseignement vont devoir innover. Elles embauchent alors des ouvriers, des paysans, des employés qui deviendront des Neulehrer (nouveaux enseignants). Durant l’année 1945-1946, ils sont 15 000 à être recrutés, l’année suivante ils sont 25 000. Pour faire la « soudure » le régime est contraint de réembaucher provisoirement des enseignants membres du NSDAP. Des stages accélérés (de 8 mois en 1946), beaucoup de travail et un enthousiasme indéniable permettent à ces Neulehrer d’assurer leur mission et de gagner la confiance des parents et des enfants. Le renouvellement du personnel dans le secondaire s’avèrera encore plus problématique.
Durant l’année 1945-1946, le matériel scolaire fait défaut (la moitié est hors d’usage). Les éditions Volk und Wissen, qui ont un statut d’entreprise publique, sont crées et commencent à publier des manuels qui ne sont souvent que des mises à jour de livres datant de la République de Weimar.
Les écoles privées sont interdites. L’Ecole est séparée de l’Eglise malgré le désaccord fondamental de la CDU d’alors.
Diverses mesures sont prises pour élever le niveau de l’enseignement. L’Administration centrale allemande décide d’introduire une langue étrangère dans les écoles primaires (curieusement, le plus souvent, il s’agit du russe…) ainsi que l’apprentissage des mathématiques sur des bases scientifiques dès les 7e et 8e classes. A la campagne, on supprime peu à peu les classes uniques en réduisant le nombre d’écoles.
En mai-juin 1946, une à une les Régions adoptent la Loi sur la démocratisation de l’enseignement. Le 12 juin, cette loi est en vigueur sur l’ensemble du territoire de l’Allemagne de l’Est ; cette date deviendra cinq ans plus tard « journée des enseignants ».
Cette loi consacre les démarches entreprises dès 1945 en conformité avec les Accords de Postdam. Voici comment la loi énonçait un de ces objectifs majeur : « Libérer la jeunesse des conceptions nazies et militaristes, l’éduquer dans un esprit de paix et d’amitié entre les peuples, d’humanisme véritable et de démocratie authentique. »
Cette loi permet de mettre enfin en œuvre les principes démocratiques bourgeois d’unité, de laïcité et de gratuité de l’enseignement. Mais les autorités ne se contentent pas de ce socle, ils veillent également à supprimer les privilèges afin d’instaurer l’égalité des chances, et à garantir un enseignement fondé sur des bases scientifiques à tous les niveaux.
La loi établit une école publique démocratique unique du jardin d’enfants à l’Université. Après l’école primaire de 8 ans (c’est-à-dire théoriquement à l’âge de 14 ans) deux voies s’ouvrent aux élèves : celle de l’enseignement technique obligatoire d’une durée minimale de deux ans et celle du lycée qui conduit en quatre années au baccalauréat. Dans tous les cas, il est toujours possible d’accéder à l’enseignement supérieur.
Le 12 juillet 1946, les facultés pédagogiques, distinctes des universités, sont créées avec pour objectif la formation des maîtres.
En quelques mois, les autorités et le peuple est-allemands jettent les bases d’un système éducatif qui sera un des leviers essentiels du développement extraordinaire de la RDA.
J’ai volontairement décidé de ne pas faire, pour le moment, de développement sur l’enseignement secondaire et sur l’Université. De même, je n’ai pas examiné les conséquences politiques et sociales à long terme de l’application de ce nouveau système scolaire.
Sur le thème de l’éducation, je renvoie également mes lecteurs à mon article sur les facultés ouvrières et paysannes et à ma notice sur l’école polytechnique (.http://uneallemagnesocialiste.over-blog.fr/article-une-date-une-image-1949-creation-de-la-faculte-ouvriere-et-paysanne-40736351.html)
Source images 1 et 2 : http://www.rs-sidonien.de/geschichte.htm
Source image 3 : RDA, aperçu historique de Heinz HEITZER.
Source images 4 et 5 : http://www.ddr-geschichte.de/Bildung/bildung.html